la nation se la raconte
Perspectives philosophiques sur L’imaginaire national de Benedict Anderson
Benedict Anderson (1936-2015), historien et politologue, enseignant en relations internationales à l’université Cornell (Etats-Unis), compte parmi les auteurs ayant durablement marqué l’historiographie. De par ses origines personnelles et son vécu, il s’est intéressé largement à l’Asie du Sud Est dans des ouvrages comme : Java in a Time of Revolution (Cornell University Press, 1972) ou Language and Power : Exploring Political Cultures in Indonesia (Cornell University Press, 1990). Mais il est une de ses oeuvres qui fait date dans la pensée de la nation et des nationalisme : « Imagined communities » (L’imaginaire national) publié en 1993 et réédité depuis. Dans cet ouvrage, Anderson s’abstrait du courant primordialistes (cf. A.D. Smith) qui observe la nation comme un fait réel préexistant tout en se distinguant également des constructivistes (cf. Ernest Gellner, Eric Hobsbawm), qui pensent la nation comme une construction récente, purement artéfactuelle. A travers une histoire comparée, non européo-centrée, Anderson souligne le complexe imaginaire-imaginé de la nation comme conception de la communauté. Il suggère, dans tout la complexité et l’ambiguïté qu’elle porte en elle, une troisième lecture de la nation comme un fait consubstantiellement réel et imaginaire : un fait interstitiel imaginé/s’imaginant.
revenir de l’imaginaire à l’imaginé
Comunidades imaginadas, Comunità immaginate… de l’espagnol à l’italien en passant par l’arabe, le slovaque, l’hébreu, le mandarin ou encore le vietnamien et d’autres langues, toutes les traductions concordent : il est bien question de « communautés imaginées ». Et pourtant, en France, comme en Allemagne, il en va autrement. « L’imaginaire national » pour l’une, « Die Erfindung der Nation » (L’invention de la Nation) pour l’autre ; ces deux pays ne suivent pas l’intitulé de Benedict Anderson lui-même.
La chose pourrait sembler anodine. Après lecture, l’on perçoit combien le type de communauté étudiée dans cet ouvrage est, sans conteste, la nation et ses nationalismes. Rien de surprenant, penserions-nous donc, à ce que le terme de « nation » apparaisse, dans l’intitulé même de l’ouvrage, pour apporter plus de précision que le terme « communautés » ne le permet. Et pourtant. Cette ambiguïté dans le titre-même de l’ouvrage représente une ambiguïté plus profonde, au fondement de l’étude andersonienne de la notion de « nation ». Deux lectures sont, à dire vrai, possibles selon deux projections faites dans le titre original ou sa traduction française et allemande. En respectant le titre de Benedict Anderson, l’on comprend qu’il sera question d’une étude de la nation comme étant une des communautés imaginées possibles. En suivant la traduction française, ou allemande, et le sens qui en découle, l’on perçoit la nation comme seule communauté imaginée.
Plus encore, de même que des « communautés » à la « nation », il y a un saut à faire de l’ « imaginé » à l’ « imaginaire ». C’est là, ni plus ni moins, une affaire de linguistique mais qui a toute son importance dans la compréhension que nous observons de l’objet d’étude de l’ouvrage ie. de la communauté nationale. Lorsque Benedict Anderson intitule son ouvrage « imagined communities », il évoque « les communautés » en tant que substance régissante et le caractère « imaginé » en tant qu’épithète. Ceci étant, l’imaginaire n’apparait que comme un versant parmi d’autres des communautés, comme il pourrait être économique… Celles-ci n’étant que pour partie, sous un certain angle, imaginées. Or, dans sa traduction française, et celle allemande, il n’est plus question en substance des « communautés », remplacées au passage par la nation, mais bien de « l’imaginaire » ou de « l’invention » en tant que substance régissante. Substantif régissant modifié et désormais qualifié, non plus de communautaire, mais de « national ». Dans ces traductions s’opère donc un véritable renversement, une véritable translation de sens non sans conséquences sur la manière de lire l’ouvrage. Puisqu’en français et en allemand, nous serions tentés de voir dans cette étude une analyse, non pas de la nation comme une communauté parmi d’autres et de sa part imaginaire parmi d’autres, mais de l’imaginaire qui serait proprement national, et chemin faisant, d’une nation qui ne saurait être autrement qu’imaginaire, abstraite et a-substantielle.
Cette tension au coeur même de la notion, posée en clef de voute de l’ouvrage, n’est pour autant pas imputable à un simple choix de traduction mais bien à cette ambiguïté présente dans la réflexion de Benedict Anderson et dans le flou qui entoure son objet d’étude « nation ». Toutefois, observons la définition donnée par l’auteur de la nation. Dans sa traduction française elle apparaît comme « une communauté politique imaginaire, et imaginée comme intrinsèquement limitées et souveraines » (Anderson, 2002 : 19). Or, si l'on reprend la définition originale en anglais, la nation se définit comme : « an imagined political community — and imagined as both inherently limited and sovereign. ». Nulle mention donc de l'imaginaire dans la définition de Benedict Anderson mais bien toujours de communauté « imaginée » suggérant que l’imaginée n’est qu'une facette de cette communauté et non pas qu'elle n’existe que et ne naisse que dans l’imaginaire en tant volonté détaché du réel, purement artéfactuelle et constructiviste. De même paradoxalement pour la traduction allemande qui ne mentionne nullement le terme d'imaginaire contrairement à la traduction française : « eine vorgestellt politische Gemeinschaft — vorgestellt als begrenztund souverän » (Anderson, Die Erfindung der Nation : Zur karriere eines folgenreichen Konzepts. Campus Verlag Frankturt/New York, p.15). À noter que l’adjectif vorgestellt (« imaginée ») qualifie seul la Gemeinschaft (« communauté »). La traduction française quant à elle montre ni plus ni moins, la difficulté que le champ académique a pu rencontrer dans la réception de cet ouvrage sur un objet d'étude aussi abscons et parfois émotionnellement engageant.
l’imaginé : réel, irréel et réalité
Ce qui se noue derrière l'idée le qualificatif « imaginée » c’est bien la relation d’adéquation au réel de la nation. Rapport de toujours interrogé pour être affirmé par les primordialistes et infirmé par les constructivistes. A penser l’enjeu de l’analyse sous le terme d’imaginaire national, la nation apparaît comme nous l’avons dit abstraite et a-substantielle. Benedict Anderson, en portant dans son titre la perspective d’une nation comme communauté pour partie imaginée, ne questionne pas la réalité intrinsèque et propre à la nation en elle-même, mais son rapport au réel. La question n'est plus : la nation, en substance est-elle réelle ou a-réelle ? La question est désormais de savoir à quel degré elle s'ancre dans le réel et s'en abstrait. La réponse que propose Benedict Anderson est la suivante : « il n’est de communauté qu’imaginée. Les communautés se distinguent, non par leur fausseté ou leur authenticité, mais par le style dans lequel elles sont imaginées » (2002 : 20). L’on comprend dès lors l’erreur à ne pas faire et dont essaye de nous prévenir Benedict Anderson. La question de l’imaginaire de la nation, ce qui n’est pas la même chose que l’imaginaire national, ne se pose pas dans une binarité vrai/faux, pas davantage que dans un clivage réel/irréel à l’oeuvre dans l’opposition réel/imaginaire.
L’imaginé d’une communauté est partie intégrante de la réalité et de la vérité de cette communauté. On ne peut rejeter l’imaginé du côté de l’a-réel et du faux comme l'auteur le regrette chez Ernest Gellner. C’est cette ambiguïté de l’imaginé, de l’imaginaire de la nation, qui fait le floue de la notion-même de nation chez Benedict Anderson. Lui qui ne manque pas de préciser qu’il s’agit, par-delà la forme, d’« une manière d'être au monde à laquelle nous sommes tous soumis » dans la nation (2002 : 9). La nation est, en effet, une réalité complexe qui s’auto-produit à mesure qu’elle produit du sens liant des éléments réels, ne portant pas nécessairement de signification nationale, dans un système symbolique national. La nation est ce mélange imaginé entre des éléments concrets et une charge symbolique intrinsèque à l’être humain qui s’en cesse pense ses liens au Même et à l’Autre. Pour Benedict Anderson, la nation tient dans ce que « lien entre eux (les nationaux) est imaginé » (2002 : 44). Imaginé à partir du concret, imaginé dans le cadre du réel matériel. Lecture matérielle que ne manque pas d’avoir l’auteur, de par son analyse marxiste de l’essor de la nation. En effet, la nation vient de la structure sociale elle-même. Ce qu’il montre lors des trois mouvements décrits : les sociétés créoles, les dynasties et les pays décolonisés après la seconde guerre mondiale. Dans tous ces contextes, c’est la société créole qui a fait naître avec ses rapports de pouvoirs, sa symbolique nationale ; c’est la dynastie et sa hiérarchie sociale qui a fait naître sa symbolique nationale ; ce sont les libérateurs coloniaux, élites sociales, qui font naître leur symbolique nationale. Tous dans une entreprise plus ou moins contraintes par les marques de l’Histoire, des frontières, des outils de communications déjà présents et apparaissant.
L’un des défauts cependant de l’analyse andersonienne reste ce qu’elle peut faire apparaître comme une fondation par le vide de la nation. Pour Benedict Anderson, la part imaginaire de la nation répond à une non-présence de liens entre tous les nationaux. En faisant cela, il fait de cette part imaginée un effet de la cause que serait cette non-existence de liens. Et ainsi, l’imaginé apparaît comme faisant être ce qui n’est pas. Là étant la faille où peut naître l’idée que la nation est un imaginaire c'est à dire une a-réalité puisse qu'il est seulement là où les choses ne sont pas, n’existe pas et se faisant ne sont pas réelles. Cela ne manque donc pas de renforcer l’ambiguïté de l'approche faite de la nation et de l’imaginé par rapport au réel. C’est en ce sens, que Christine Chivallon propose notamment de revoir l’imaginé non pas comme mise à l’existence du non-existant, mais comme manière de penser le lien social, participant du lien social. Un lien social qui se pense lui-même. Un lien social certes distendu fait de non-connaissance, mais réel. Ce n'est pas parce qu’un individu n’a pas connaissance de tous les autres, qu’il ne peut être réellement liée à ces derniers sans les connaître. Et ce, dans l’imaginé naît de la réalité matérielle qui souligne à ses yeux l'existence de ces autres nationaux par exemple. Cette lecture permet de rejoindre le postulat de Benedict Anderson selon lequel il n’y a de communauté, quelle qu’en soit la forme, qu’imaginée. C’est à dire, imaginée et s’imaginant, et non un imaginaire autonome qui viendrait se surimposer à des liens sociaux resserrés ou diaphanes dans le cas de la nation.
une grammatologie nationale
Comment la nation parvient-elle à être ce fait « imaginée » et « s’imaginant » ? L’analyse de Benedict Anderson sur ce point est particulièrement éclairante. L’on constate en effet l’importance fondamentale de la langue, du langage, et ce, sous une forme particulière. Un des soubassements de la nation réside dans l’imprimerie devenu « mère des langues nationales » (Hermet, 1996 : 76) ie. des langues vernaculaires. Cette imprimerie qualifiée de marchandise par Anderson, qui est favorisée par le capitalisme et qui participe de la formation de nouveaux espaces communicatifs monoglottes, et ainsi de nouvelles frontières entre l’allophone (du grec άλλο, « l’autre ») et de ce que nous pourrions nommer l’idiophone (reprenant le grec ίδιο, « le même »).
Ce rôle clef du langage souligné par Benedict Anderson, est plus singulier encore. Il ne s’agit pas seulement du langage mais du langage écrit, se transmettant par-delà ce vide interrelationnel que décrit l’auteur grâce à l’imprimerie et au développement des moyens de transports et de communications. Or cette dimension écrite n’est pas sans conséquences sur le versant imaginé/imaginant de la nation. L’écriture participe elle-même de cet imaginé/imaginant de la nation. Il y a là ce que l’on pourrait nommer une grammatologie nationale pour reprendre le terme derridien. Ce dernier met en lumière, dans son ouvrage De la grammatologie, la place architectonique de l’écriture dans l’activité intellectuelle. En effet, l’écriture est liée à l’instance de la lettre, de ces signifiants et mots qui tranchent. L’écriture est un impératif, une imposition au lecteur de ce qu’elle porte en elle-même et de ce qui s’y associe comme, entre autres, une dimension nationale. Le lecteur reçoit donc inconsciemment la charge symbolique de la nation à travers l’écriture du journal, des romans d’une même langue. La langue écrite donne corps à travers les mots, communicables à tous, au réseau symbolique de la nation. Il y a là plus encore de ce que Georges Bataille nomme l’« hétérologie ». La nation est ce non-savoir expérimenté, caractéristique de l’hétérologie, et à laquelle succombe le lecteur. Ce dernier communiquant lui-même par la suite ce non-savoir en essayant de l’actualiser dans l’expérience, en veillant toujours à le ré-ancrer dans un lien à des faits et objets réels, pour réaliser et concrétiser ce non-savoir. L’on rejoint ici absolument l’idée de non-lieu à travers ce non-savoir porté dans l’écriture commune. L’écriture est cette métaphore, ce sens figuré qui s’impose au sens propre, qui devient elle-même sens propre. La littéralité est ainsi le terreau de cette bicéphalie imaginé/ imaginant intrinsèque à la nation. Cette littéralité nationale qui, par sa lettre nationale, force la pensée des lecteurs, des nationaux en devenir.
Il n’y a, dès lors, plus que la métaphore et une absence du référent figuré. La nation, intrinsèquement littérale incarne ce mythe de la “présence pleine” phénoménologique husserlienne. Elle apparaît comme une présence pleine face au vide d’interconnaissance mais née des conditions sociales réelles de la société support à cette nation. En réalité, la nation ne fait pas corps, elle est mots et lettres. La nation est imaginée/ imaginant, non pas parce qu’elle n’est pas réelle, mais parce qu’elle n’est pas un phénomène pur en soi. Elle ne peut être le support d’une lecture phénoménologique sinon seulement en tant que métaphore rapportée à des phénomènes initiaux, en tant que métaphore devenue plus réelle que le réel. La nation n’est ni plus ni moins qu’un signifié sans signifiant propre, construit à partir de signifiants ne signifiant pas par essence la nation. Le symbole et le langage incarnant la société, font ainsi advenir au perceptible ce qui est de l’ordre de la pensée, ici : la nation. La nation est donc bien une auto-référenciation. Elle se crée et se symbolise elle-même par et dans la construction sociale. Elle crée son propre référent à partir de phénomènes perceptibles irréductibles au signifié « nation » mais qui peuvent la soutenir et lui fournir une assise.
déracinement et ré-enracinement
La nation est donc, en somme, un percept. Ce qui en confirme la consubstantialité du réel et de l’imaginaire dans l’interstice de l’imaginé-imaginant. L’un des travers cependant de Benedict Anderson dans son ouvrage, ainsi que souligné par Christine Chivallon, est de possiblement faire de la technique et de la culture un accident extérieur aux rapports sociaux. Ce travers, l’auteur l’a cependant revu avec l’adjonction de deux nouveaux chapitres, lors de la ré-édition de l’ouvrage, intitulés : « Recensement, carte, musée » et « Mémoire et oubli ». A travers eux, l’auteur vient dés-accidenté l’essor de la nation via la technique et la culture. Nous l’avons noté, en effet, c’est dans une conjoncture économique (capitalisme), technique (imprimerie) et culturelle (déclin des langues savantes) que s’est développée la nation.
Cependant, cette conjoncture à elle seule n’eut pas suffi à imposer la nation et ses nationalismes. Elle ne peut se passer d’acteurs oeuvrant à la nationalisation de la conception qu’une société à d’elle-même. Il est en ce sens primordial de poser la question du « par qui ? ». Et Benedict Anderson ne manque pas d’y répondre à travers les trois mouvements qui l’a décelé dans l’Histoire. Le premier dans les sociétés créoles, le second en Europe dans les régimes dynastiques et l’ultime dans les anciennes colonies libérées. Poser la question du « par qui ? » nous importe car la nation n’est jamais apparue accidentellement mais dans le cadre de rapports de pouvoir entre un groupe intérieur et un autre extérieur — ce qui permet de voir dans l’exil, dans l’effet frontière, la pépinière de la nation. La nation s’est donc symbolisée variablement, dans une langue variable, selon les acteurs en position dominante dans le rapport de force et dans les relations sociales. Aussi, la représentation du corps social est-elle issue du jeu interne des rapports sociaux ayant conduit à cette auto-identification.
En ce sens, l’économie verbale est solidaire de l’économie spatiale pour reprendre Henri Lefebvre (La production de l’espace. Economie, Anthropos, 2000). On ne peut ainsi ignorer la dimension physique des signifiants soutenant la réflexivité nationale telle qu’à l’oeuvre dans le bâti et l’architecture par exemple. Ceci nous le voyons fortement à l'oeuvre dans les chapitres ajoutés par Benedict Anderson. On y perçoit l’importance, dans la dernière vague nationaliste, des musées construits sous l’ère colonial dans l’élaboration de cette réflexivité nationale propre à chaque Etats nouveaux. Des Etats dont les sociétés se ré-approprient les cartes et nouvelles géographies de leurs politiques. Des nationalismes nouveaux par l’oubli parfois d'un passé plus ancien, ante-colonisation, par effacement des traces physiques de ces anciennes communautés. Ce serait négliger un élément essentiel de la pensée nationale que d’ignorer son soubassement physique et géographique — non national en soi mais support à une mise en symbole nationale. Ainsi que cela avait déjà lieu à partir du XVIème siècle où les voyages de fonctionnaires et d’étudiants, entre Académies, formaient une Respublica literaria européenne accompagnée de sa conscience d’appartenance propre. Le social se retranscrit ainsi au sol et le percept national, se concrétise, s’actualise et se discipline dans le visible et le matériel. De même, que dans l’écriture du langage, l’écriture du paysage, l’écriture architecturale et muséale, pour exemples, tranchent et imposent une symbolique nationale ancrée dans des rapports de force et une certaine conception des liens sociaux. A travers cette écriture de l'espace physique, l’on revient encore à ces non-lieux. Ceux où l’absence de relations est une forme d’interrelation, par une contractualisation solitaire et non plus un lien social organique. Ceux à l’image du Musée, de la Gare, des institutions étatiques où tous les nationaux ne se rencontrent jamais tous ensemble de manière synchronique sinon de manière diachronique et avec la conscience que d’autres nationaux passeront ici lorsque je n’y serai pas moi-même. Or par la pensée, je suis avec eux, par l’écriture du paysage je suis avec eux, dans ce lieu commun. Ces non-lieux, ce sont ceux aussi que représente les hymnes, les cérémonies communes où la métaphore nationale se motive, se joue et se réalise devenant la plus réelle possible.
conclusion
Dans cet ouvrage clef de la pensée historique et anthropologique de la nation, en tant que communauté, Benedict Anderson souligne combien le fondement de la nation est fait d’une intrication entre facteurs économiques, socio-politiques et littéraux. Cette analyse dans toute son ambiguïté et sa bivalence, quant à l’imaginé de la nation, souligne le rapport au réel que cette dernière entretient à l’écart de conceptions passées faisant d’elle un absolu réel (primordialistes) ou un absolu a-réel (constructivistes). La voie que propose l’auteur, est, ici, au contraire celle d ’ u n e n a t i o n e n t a n t q u ’ e l l e e s t consubstantiellement réelle et imaginaire parce que dans l’interstice de l’ « imaginé » et même de l’imaginé-s’imaginant. Elle n’est ni réelle ni a-réelle : elle est une réalité. La réalité n’étant pas le réel mais le regard que nous y portons et la conception que nous nous en faisons. Toute l’importance de cette analyse tient dans ce qu’elle porte un regard sur la nation comme une manière d’être-au-monde. La nation et le réseau symbolique dans lequel elle s’inscrit (patrie, fraternité…) ne peuvent, effectivement, s’abstraire d’un questionnement ontologique et éthique, sur ce qui fait l’identité d’une nation et ce qui caractérise les relations entre le Même et l’Autre. La nation naît et s’affirme dans la réflexivité sur notre expérience réelle politico-linguistico-économico-culturelle jusqu’à elle- même garder le caractère réel de cette conjecture.
| BIBLIOGRAPHIE
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